9 janvier 2013

assis avancer d'où parti - d'aplomb en table


" Chant I
Sauter, argumenter, ramper
- tels sont, synthétiquement, les trois façons pour l'homme
de répondre à un seul monde.
. . .
Ou l'avancée, seulement, entre sa poitrine et sa chemise,
quand il respire : sans faire le moindre pas,
il parcourt une distance plus individuelle, invisible,
et finira par prendre une décision.
Bloom, lui, de fait, cherchera l'impossible :
trouver la sagesse en fuyant;
fuir tout en apprenant.
. . .
Disons que penser n'est pas si facile.
Certains hommes, alors qu'ils sont assis,
font de tels efforts pour ébaucher une idée
qu'ils finissent par être baignés de sueur.
Et entre-temps au-dehors : rien,
pas même la carcasse du plus éphémère indice
d'intelligence. Chaque idée a l'air de se trouver dans ces cerveaux
comme dans un labyrinthe dont elle n'arrive
que rarement à sortir. Bloom pense à ce père et à ses trois fils.
Quelle cohérence dans cette famille, murmure-t-il.
. . .
Chant II
il demanda l'heure et le chemin à suivre
pour être heureux sans se méprendre.
 . . . 
Car Bloom sait bien que seul est matériel
et seul existe
ce qui peut être placé sous les pieds
d'une table pour la remettre d'aplomb.
Or, une phrase, quelles que soient son épaisseur et sa solidité,
ne corrigera jamais le moindre écart
entre un meuble et le sol.
. . .
Chant III
Petite chose mesquine existante entre le ciel et le centre,
voilà l"homme.
. . .
Chant V
les moments se succèdent et on n'est pas encore mort,
voilà tout.
. . .
Chant VII
Cependant, malgré la publicité, la joie
n'a pas été mise sur le marché - encore moins
la tranquillité. Il n'y a pas de grille de prix pour
le calme profond. Bien sûr, il existe d'innombrables cours
pour devenir un sage en trois semaines,
mais ces cours-là ne donneront pas plus d'une demi-heure
de sagesse à leurs clients. Et trente minutes
ne sont pa suffisantes pour remplir toutes les heures
où à l'avenir on ne sera pas encore mort.
. . .
Bloom voulait en savoir plus sur l'Inde. De
quel côté le cou des hommes se tourne-t-il plus volontiers?
Vers les femmes ou vers les choses ?
. . .
Je veux voir si l'Inde, malgré tout,
existe en dehors du langage.
. . .
Chant IX
Il n'y a pas d'Inde. Pas même le désir de l'Inde.
Ce qu'il y a, c'est, d'un côté, une excitation et, de l'autre,
une avidité qui murmure. Choses simples et pratiques.
. . .
Une action est toujours incomplète,
les jours d'après sont la continuation des jours d'avant
- comme si le calendrier n'était pas idiot
ou comme si les chiffres comprenaient quelque chose.
. . .
Bloom, que dire de cet homme ?
Il est allé en Inde, en est revenu et là-bas a compris
qu'il n'y avait pas d'Esprit.
. . .
Il est vivant et, pour cette raison, moins naïf,
il n'est ni saint ni sage; il est un corps et il bouge, rien de plus.
. . .
Chant X
Il en va ainsi de toute biographie : on avance
vers l'endroit d'où on est parti.
. . .
Seul le fait de devenir aveugle constitue un voyage.
. . .
mais rien de ce qui se passe ne pourra empêcher l'ennui définitif de
Bloom, notre héros. "

G. M. TAVARES, Un voyage en Inde, éd Viviane Hamy.

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